La dégradation des terres est un processus où les conditions biophysiques de l'environnement changent en raison de l'activité humaine sur les terres. Au Togo, les populations ont progressivement surexploité les ressources naturelles, en particulier forestières, pour assurer leur subsistance. Cette surexploitation des ressources naturelles est l‟un des facteurs principaux de la dégradation des terres dans le pays.
2. Pour appréhender les déterminants socio-économiques et politiques de l‟utilisation des ressources naturelles et, partant la dégradation des terres au Togo, les questions de recherche suivantes ont été posées :
- quelles sont les utilisations des ressources naturelles responsables de dégradation des terres ?
- quels sont les types et l‟étendue des dégradations des terres?
- quels sont les déterminants socio-économiques et politiques de dégradation des terres?
- quelles sont les technologies et pratiques de Gestion Durable des Terres (GDT) ?
3. L‟objectif de cette étude est d‟identifier les déterminants socio-économiques de l‟utilisation des ressources naturelles et, partant de la dégradation des terres dans les cinq régions du Togo (Centrale, Kara, Maritime, Plateaux et Savanes). De façon spécifique, l‟étude consistera à :
- documenter les modes d‟utilisation des ressources naturelles (l‟agriculture l‟élevage, l‟exploitation forestière, le mode de tenure foncière, les revenus et l‟état de pauvreté des populations etc.) permettant de comprendre les impacts direct et indirect de ceux- ci dans chaque région ;
- identifier dans chaque zone les différents systèmes d‟utilisation des terres et les principaux types de dégradation des terres qui s‟y opèrent ;
- identifier et analyser, pour chaque système d‟utilisation des terres, les bonnes pratiques de gestion des terres mises en œuvre par les populations pour inverser la dégradation ;
- identifier et analyser les déterminants socio-politiques et économiques qui impactent l‟utilisation des ressources naturelles;
- identifier les contraintes, les faiblesses, les potentialités et les atouts des déterminants socio-économiques dans l‟utilisation actuelle des ressources naturelles en lien avec la dégradation des terres dans chacune des régions ;
- faire des propositions d‟actions pour une gestion durable des terres au Togo.
4. L‟étude est réalisée en deux phases à savoir une phase de recherche / analyse documentaire et une phase de collecte de données de terrains. Les données de terrains sont collectées à deux niveaux. Il s‟agit des observations directes de terrain et des enquêtes réalisées auprès des populations à la base. Pour ces travaux de terrain, le choix des localités est fait à partir de la carte de l‟indice conjoncturel de dégradation des terres et en tenant compte de l‟accessibilité et de la taille de la population de ces localités. Cette carte indique 5 classes de dégradation des terres (très faible, faible, moyenne, élevée et très élevée). Pour ce qui concerne les observations de terrain, deux localités représentatives ont été choisies dans chaque classe de dégradation des terres dans chaque région économique du Togo, soit 10 localités par région économique pour un total de 50 localités investiguées à travers tout le Togo. Par contre, pour la collecte de données socio-économiques, trois localités ont été investiguées par région économique, soit 15 localités au total pour l‟ensemble du pays.
5. Les observations de terrain ont permis de recueillir des informations précises sur les activités réalisées et les pratiques foncières, et de relever les différentes actions entreprises par les populations (les aménagements des parcelles, le type d'outillage, les microréalisations, les techniques de gestion des ressources naturelles, etc). Ces
observations de terrain sont réalisées le long des transects installés dans les différentes unités paysagiques (système d‟utilisation des terres (SUT), types d‟utilisation des terres (TUT), utilisation des terres (UT)). Sur chaque transect, une équipe constituée d‟agro-pédologue et d‟écologue passe une à deux heures pour capturer les principaux systèmes d‟utilisation des terres, les zones de dégradation des terres et de contrôle de la dégradation des terres.
6. Pour ce qui concerne les enquêtes, les données collectées sont entre autres la nature et perception de l‟évolution de la dégradation des terres, la nature des risques et sensibilité des ménages ou cartographie participative des risques liés à la dégradation des sols, l„analyse/Recherche des acteurs. Ces données sont collectées par des focus group. Dans chaque localité, 7 focus group ont été réalisés pendant l‟enquête, soit 105 focus group au total. Ces focus group ont regroupé 914 personnes dont 349 femmes (soit 38%). D‟autres données ont été collectées auprès des ménages. Il s‟agit des données relatives à l„utilisation du sol et système foncier, l‟élevage, la foresterie (biens et services tirés de la forêt) et les technologies de conservations des terres. Dans les ménages, les données sont collectées par des entretiens semi-directifs. Dans chaque localité, 15 ménages ont été enquêtés, soit au total 225 ménages.
7. Les résultats de cette étude montrent que la dégradation des terres est un phénomène tangible dans toutes les régions du pays. Les terres faiblement ou très faiblement dégradées sont beaucoup plus représentées dans la Région des Plateaux (RP) et la Région Centrale - RC alors que la Région Maritime (RM) ne dispose plus que de quelques rares zones où les terres faiblement dégradées sont encore représentées. Pour les terres moyennement dégradées, elles sont représentées dans toutes les 5 régions économiques avec des superficies relativement plus élevées dans la RM et la Région de la Kara (RK). Quant à ce qui concerne les terres très dégradées, c‟est surtout dans la RK et la Région des Savanes (RS) qu‟elles sont les plus représentées. Cependant, des spécificités pour les types particuliers de dégradation des terres sont observées au niveau de chaque région. L‟analyse comparative de la dégradation des terres au Togo
entre 1994 et 2014 se traduit par une importante variation des classes de dégradation des terres dans chacune des 5 régions économiques.
8. Les principaux facteurs de cette dégradation sont principalement d‟ordre anthropique. Il s‟agit des mauvaises pratiques agricoles, des feux de végétation, de la surexploitation du bois de chauffe, du bois d‟œuvre, de la carbonisation et de la transhumance. Les contingences socio-politiques des années 1990 et le mouvement de populations des zones de conflits vers le centre et le sud du pays qui en a résulté ont renforcé la pression des activités humaines sur les terres. La plupart des localités présentent des risques d‟érosion qualifiés de « moyen » à « élevé » et peuvent encore être réhabilitées de diverses manières. La dégradation des terres a un impact
significatif sur le niveau de vie de la population et sur les potentialités de développement économique.
9. La principale conséquence de la dégradation des terres est la baisse des rendements agricoles qui se traduit par la baisse des revenus des paysans et la paupérisation du monde rural. Les rétroactions de ce mal qui ronge les ruraux sont l‟exode rural, l'émigration vers les pays de la sous-région ou vers l‟Occident, la dépravation des meurs, les conflits fonciers et le changement d‟activités opéré surtout par les jeunes qui deviennent conducteurs de taxi-moto. Pour faire face à la dégradation poussée des terres, les populations développent des technologies de conservation des terres comme la mise en défens, l‟agroforesterie, les billons cloisonnés, les cordons pierreux, etc. Ces technologies sont appuyées par endroit soit par les structures déconcentrées de l‟Etat, soit par les ONG / Association. Mais l‟efficacité de ces technologies reste encore modérée. Ce qui interpelle tous les acteurs à tous les niveaux à savoir l‟Etat, les organisations de la société civile, les populations à la base, les bailleurs de fonds et lesinstitutions de micro-finance, pour des actions tangibles et étendues.